L'entrée atmosphérique, ou comment freiner sans griller ?

Space 'n' Science

Introduction :

Aller dans l'espace est une chose, en revenir en est une autre ! En effet, tout objet orbitant la Terre se déplace à une vitesse minimale de 7.10^3 m/s ( environ 28 000 km/h ). Tout comme passer de l'arrêt à l'orbite demande une énorme quantité d'énergie et de précision, revenir ( en un seul morceau non carbonisé ) sur Terre n'est pas une mince affaire.

Sommaire :

  • L'entrée atmosphérique, qu'est-ce que c'est ?
  • Avantages et inconvénients de l'entrée atmosphérique
  • Description et analyse d'une entrée atmosphérique
  • Comment protéger sa capsule ou sa navette ?

Qu'est-ce qu'une entrée atmosphérique ?

L'entrée atmosphérique se caractérise par le passage d'un objet dans une couche de gaz autour d'une planète. Que ce soit une météorite qui croise le chemin de la Terre et de son atmosphère pour s'y vaporiser, ou une des navettes spatiales américaines qui revient atterrir en Floride, ces objets quittent le vide spatial pour entrer dans la couche de gaz qui nous entoure.

On a rappellé au début de cet article qu'un objet en orbite entrera l'atmosphère à minimum Mach 22 (28 000km/h), c'est à dire qu'il se déplacera en une seconde 22 fois plus loin qu'une onde sonore. Et encore, certains objets entrent à des vitesses bien plus folles : Apollo 10 est entré à Mach 32, et la sonde inhabitée Stardust est revenue à Mach 36, ce qui représente environ 44 500 km/h, c'est à dire la distance Terre-Lune ( 384 400 km ) parcourue en 8 heures !

Avantages et inconvénients de la rentrée atmosphérique

Prenons un corps céleste sans atmosphère, comme la Lune. Tout véhicule qui voudrait s'y poser devra allumer ses moteurs pour passer de l'orbite à une trajectoire de descente, ce qui implique d'amener le carburant nécessaire pour la décélération durant la descente. Ce carburant va fortement influencer les performances du vaisseau AVANT cette décélération, à cause de sa masse. La présence d'une atmosphère permet de freiner sans consommer de carburant, donc en se passant du poids du carburant nécessaire pour la descente, ce qui n'est pas négligeable !

Ce freinage naturel peut-être utilisé de plusieurs façons : la décélération jusqu'au toucher du sol ou la capture en orbite par aérofreinage.

En effet, un objet qui arrive sur une trajectoire hyperbolique, trop rapide pour entrer en orbite, peut utiliser les couches les moins denses de l'atmopshère pour se freiner suffisamment afin d'entrer plus lentement en orbite de la planète ciblée.

Illustration d'une capture orbitale par aérofreinages successifs : arrivée par trajectoire interplanétaire, capture et abaissements successifs d'orbite. A noter qu'il faudra rehausser l'orbite à un moment pour se sortir de cette séquence de freinages.

Cependant, une telle manoeuvre est risquée, en effet, l'énergie cinétique est definie par le calcul (1/2).m.v^2 avec m la masse de la sonde et v sa vitesse. Comme la vitesse est élevée au carré, doubler la vitesse d'arrivée multiplie l'énergie totale par 4 !

La vitesse est donc un des paramètres clé.

Un autre paramètre très important est l'altitude à laquelle l'objet s'enfonce dans l'atmosphère : plus un gaz est dense, plus il générera des contraintes ( thermiques et mécaniques ), mais on verra comment s'en protéger plus tard.

Petit point historique, le 23 Septembre 1999, la NASA a perdu la sonde Mars Climate Orbiter, qui n'est jamais ressortie de l'atmosphère martienne après sa tentative d'aérofreinage. La raison de cette perte ? Au lieu de passer à 110 kilomètres de Mars, la sonde à plongé jusqu'à 57 kilomètres d'altitude, ce qui, à une vitesse de 6 kilomètres par seconde, a engendré une perte de contrôle et une destruction de la sonde par les forces aérodynamiques et l'échauffement de la rentrée.

Après enquête, on apprendra que cette erreur d'altitude était dûe à une erreur d'unités entre le Jet Propulsion Laboratory et Lockheed, qui utilisaient respectivement des Newtons/seconde et des Livre-Force/seconde, ce qui a amené la sonde à allumer ses moteurs pour délivrer 4.5 fois plus de freinage orbital que prévu avant l'entrée dans l'atmosphère.

Vous l'aurez compris, l'avantage d'une rentrée atmosphérique est le freinage "gratuit" qu'elle amène, mais ses inconvénients sont les risques et contraintes qu'elle engendre.

L'atmosphère Terrestre est assez dense, et est parfois comparée à un vrai mur : un météore moyen passe de 5 km/s à 1km/s en seulement cinq secondes !

Description et analyse du phénomène d'entrée atmosphérique :

Sur cette photo, on peut voir la trainée de plasma créée par la rentrée atmosphérique de la navette spatiale américaine Atlantis lors de la dernière mission navette, STS-135. Notez la trajectoire très abrupte de la descente.

Tout le monde connaît les étoiles filantes ou les images de vaisseaux spatiaux devenus des boules de feu lors de leur approche d'une planète, cependant peu de gens comprennent vraiment comment cette chaleur est générée.

En effet, l'explication classique des frottements ( dont on va reparler ) fonctionne à des vitesses subsoniques et supersoniques, mais à des vitesse hypersoniques, elle est remplacée par une autre explication, plus complexe.

Petit rappel sur les régimes de vol, on appelle subsonique toute vitesse inférieure à celle du son ( Mach 1, 1234km/h en atmosphère standard ), transsonique une vitesse proche de celle du son, supersonique une vitesse comprise entre Mach 1 et Mach 5, et enfin hypersonique une vitesse supérieure à Mach 5.

Il faut se rapeler que l'air est un gaz, et donc n'a pas le même comportement entre ces différents régimes.

Revenons à notre chaleur. A des vitesses subsoniques et supersoniques, les frottements de l'air [de ses molécules] avec le fuselage d'un appareil génèrent de la chaleur. On montre souvent l'exemple en se frottant rapidement les mains et en ressentant la chaleur dans ses paumes. Et pourtant, en rentrant dans l'atmosphère, la chaleur générée par les frottements de l'air avec le vaisseau n'est pas la source principale de chaleur.

La majeure partie de la chaleur générée est due à la compression rapide de l'air à l'avant du vaisseau spatial.

Lors d'une compression, la température augmente, c'est par exemple pourquoi votre pompe à vélo chauffe quand vous gonflez un pneu. A l'inverse, une décompression amène un refroidissement, facilement démontré en vidant une bonbonne de déodorant ou autre volume sous pression : la paroi de la bonbonne refroidit.

Rappellons ici qu'à des vitesses hypersoniques, l'air n'a "pas le temps" de s'écarter de la trajectoire de l'objet, ce qui amène une accumulation de l'air à l'avant de l'objet, et donc sa compression.

Dernier point de physique, j'aimerai rappeler ce qu'est une onde de choc.

Photo prise par le Beechraft B-200 de la NASA d'un T-38 Talon en vol supersonique. L'optique "Schlieren" utilisée permet de visualiser la différence de densité dans l'air et donc les ondes de choc de l'avion lors de son vol supersonique.

Comme c'est un domaine assez particulier à vulgariser, on va s'aider de notre imagination. Considérons une onde quelconque dans l'air. Celle-ci est un champ au sens physique, c'est à dire décrite mathématiquement par une fonction h de trois variables x, y et t. Mais pour simplifier, on va s'imaginer un lac ! Une telle onde va faire varier la hauteur d'eau au point de coordonnées (x, y) à l'instant t, donnant donc la fonction h(x,y,t). Visualiser une onde est donc assez simple : une variation de hauteur en un point à un instant donné.

Une onde de choc est une onde associée à une transition brutale. Si on reprend l'exemple de notre lac, notre onde précédente était une vague, une onde de choc serait alors un véritable mur d'eau, un raz de marée !

Quand un avion vole à vitesse subsonique, il crée des perturbations de l'air qui s'étendent dans toutes les directions. Cependant, quand il atteint une vitesse supersonique, il "rattrape" le bruit qu'il génère, c'est à dire l'onde qu'il crée en se déplaçant. Toutes ces perturbations ( car il en crée toujours en avancant ! ) s'accumulent donc et forment une vague de très haute densité, un onde de choc dans le milieu qu'est l'air, notre fameux raz de marée, ici un tsunami de son, source du "Bang" supersonique.

Comme on l'a vu plus haut, lors d'une compression, l'air se réchauffe, et lors d'une décompression, il se refroidit. De plus, un air froid ne peut pas contenir autant d'humidité [d'eau sous forme gazeuse] qu'un air chaud. C'est pourquoi après notre onde de choc où l'air s'est échauffé, lors de sa détente, l'eau est "libérée" de l'air et un nuage de vapeur d'eau se forme, épousant les formes de l'onde de choc.

Notez les différentes ondes de choc suggérées par les nuages de vapeur, qui, pour rappel, se forment APRES les ondes de choc. Ces nuages ne rendent pas les ondes de choc visibles, mais signalent leur présence.

Petit point important. Un avion peut créer un nuage de vapeur sur ses ailes sans approcher les régimes transsoniques et supersoniques ! Comme une aile génère une zone de basse pression sur l'extrados ( le "dessus" de l'aile ), l'air se refroidit en passant le long de l'aile, et si les conditions atmosphériques sont réunies, l'air descend sous la température du "point de rosée", la température où l'eau se condense en microgoutelettes.

Regardez le nuage qu'un avion de ligne peut laisser derrière lui, alors qu'il se présente à une basse vitesse pour atterrir, bien loin du mur du son !

Auteur malheuresement inconnu

Revenons donc ( enfin ? ) à notre rentrée atmosphérique !

Quand un objet pénètre l'atmosphère aux vitesses folles caractéristiques de la mécanique orbitale, l'air se comprime en une onde de choc devant lui, créant un échauffement très important.

Suite à la collision avec notre objet, l'air dans la zone de choc peut atteindre localement des températures de plusieurs milliers à plusieurs dizaines de milliers de degrés, ce qui à pour effet d'arracher des éléctrons aux atomes, d'ioniser la matière et de la faire passer à l'état de plasma, le quatrième et peu connu état de la matière ( gazeux, liquide, solide, plasma ).

Ce plasma est donc une "soupe d'électrons et d'ions", qui rayonne dans le rouge/orange, c'est lui qui crée cette belle trainée lumineuse dans le ciel !

Photo prise durant la rentrée atmosphérique de STS-42

D'ailleurs, ce plasma interfère avec les signaux radio qu'un véhicule pourrait envoyer ou recevoir, ce qui bloque toute communication avec l'équipage pendant leur rentrée atmosphérique ! Ce phénomène bien connu de "Radio Blackout" peut durer environ 3 à 5 minutes pour une capsule revenant sur Terre ( chiffres venant des mission Apollo ), et de même façon les sondes martiennes ou la sonde Huygens ( posée sur Titan ) ont subi aussi ce phénomène. Les navettes spatiales enduraient un blackout radio pouvant durer jusqu'à 30 minutes ( ! ) pendant leur retour, jusqu'à la création du système Tracking and Data Relay Satellite System qui profite d'un trou créé par la forme de l'orbiteur dans la trainée d'ions pour relayer les données à des satellites.

Un satellite TDRS en exposition au Udvar-Hazy Center à Chantilly, Virginie, USA.

On a donc notre objet revenant dans l'atmosphère qui est echauffé d'un côté par la compression soudaine et intense de l'air, et chauffé de l'autre côté par le plasma extrêmement chaud qui l'entour avant qu'il le laisse derrière lui.

Il est temps d'introduire la notion de couche limite ( Boundary Layer en anglais ), qui est la zone où un fluide va "coller" à l'objet, dû à son profil et à la viscosité du fluide.

Durant notre entrée atmosphérique, cette couche limite va servir de véritable "coussin d'air" et va repousser l'onde de choc plus loin que la surface de l'objet, et va donc repousser sa chaleur ! On verra plus tard ( dans la partie "Comment se protéger" ) que travailler sur la forme de l'objet permet d'éloigner plus ou moins cette onde de choc.

Après avoir supporté les chaleurs extrêmes de la compression et du plasma ainsi que les forces aérodynamiques de l'entrée dans l'atmosphère, notre objet freine de plus en plus à cause des chocs et frottements de l'air, et sa vitesse finira par tomber du régime hypersonique vers le régime supersonique, où la majorité de la chaleur ne sera due qu'aux frottements de l'air. Un véhicule n'aura plus qu'à atterrir, à sa façon : parachutes ( Soyuz, Apollo, Dragon... ), moteurs fusées ( Perseverance sur Mars ), en planant ( les navettes spatiales, ou le drone X-37B )...

Une des rares images de la navette automatique X-37B, projet classifié de la DARPA.

Comment se protéger lors d'une rentrée atmosphérique ?

Maintenant que nous savons pourquoi un objet chauffe lorsqu'il entre dans l'atmopshère et les phénomènes qu'il va rencontrer, il est temps de se pencher sur comment on peut protéger nos véhicules revenant de l'orbite.

Juste pour vous donner une idée de la quantité d'énergie qu'une rentrée atmosphérique génère, quand une navette spatiale revenait sur Terre, son énergie mécanique équivalait l'énergie nécessaire pour chauffer une maison familiale pendant 41 ans (3.24 x 10^12 Joules) ! Et quand le météore de Tcheliabinsk est entré dans notre atmosphère le 15 février 2013, il a libéré une énergie éstimée à 440 kilotonnes de TNT par le Jet Propulsion Laboratory, équivalent à 30 fois la puissance de la bombe nucléaire Little Boy, larguée sur Hiroshima le 6 Août 1945.

Les techniques utilisées pour survivre à une entrée atmosphérique sont donc cruciales.

On va en détailler trois :

  • La trajectoire
  • La forme du véhicule
  • L'utilisation d'un bouclier thermique

On détaillera aussi les deux types majeurs de boucliers thermiques, que sont les boucliers ablatifs et les boucliers isolants.

Choisir une trajectoire correcte :

La densité de l'atmosphère diminue avec l'altitude, et l'échauffement et les contraintes aérodynamiques dépendent de la densité de l'air rencontré par notre vaisseau ( et de sa vitesse, mais ici on ne peut pas vraiment la faire varier ).

Il paraîtrait donc logique d'entrer "le moins possible" dans l'atmosphère, pour rencontrer moins d'air, et donc moins chauffer et soumettre le véhicules aux contraintes de l'air.

Cependant, le but de l'entrée atmosphérique est de revenir sur Terre, et si le véhicule n'entre pas assez dans l'atmosphère, il ne freinera pas assez, et va juste repartir sur sa trajectoire, "rebondir" sur l'atmosphère.

A l'opposé, arriver sur une trajectoire trop abrupte risque de provoquer un échauffement ou des contraintes aérodynamiques si intenses qu'ils détruiraient le véhicule d'une façon thermique ou mécanique.

Une trajectoire optimale est donc nécessaire.

Prenons l'exemple du couloir d'entrée de la navette spatiale américaine :

La partie bleue est la zone de trainée trop faible, et la navette risquerait de se poser dans un endroit inadéquat, ou de repartir sur son orbite. La partie orange est la zone dangereuse pour le véhicule, et bien sûr son équipage.

En détails, vous trouverez ci dessous les altitudes et vitesses à suivre pour que la navette intercepte la piste d'atterrissage à la bonne vitesse et altitude. Comme vous pourrez le voir, c'est une trajectoire fine qui oscille entre des zones de risque thermique, de risque structurel, ou de freinage trop faible.

Cette zone est si fine ( et ce pour tous les véhicules ! ) que l'on appelle ces trajectoires de retours des couloirs de rentrée.

Pour s'assurer de suivre ce couloir, on doit s'assurer que les moteurs freinent le véhicule très précisément lors de sa désorbitation, et ensuite que le véhicule se présente avec la bonne orientation dans l'air ( bouclier thermique vers l'avant pour les capsules, 40 degrés d'angle d'attaque pour les navettes ).

Enfin, il est possible de piloter nos véhicules une fois dans l'atmosphère ! Bien sûr, les navettes spatiales planaient ( mal, certes ) et pilotaient la trajectoire de retour avec des virages lents ( S-turns ) et des variations en tanguage, cependant ce n'est pas le seul véhicule à pouvoir faire ainsi !

Les capsules spatiales ( on prendra l'exemple d'Apollo ) ne ressemblent pas à des aéronefs, mais elles peuvent quand même planer ! En effet, en adoptant un certain angle d'attaque, elles peuvent générer une portance dans une direction donnée. Vous pouvez voir sur l'image ci dessous cette portance générée vers le haut, à cause de l'angle de la capsule par rapport à sa trajectoire.

Il suffit alors de faire pivoter la capsule pour générer plus ou moins de portance, et donc "piloter" la trajectoire de rentrée.

Ici sont affichées deux trajectoires : la "Single peak", qui génère des contraintes assez fortes et fait ressentir beaucoup de Gs à l'équipage, et la "Double dip" qui fait remonter la capsule pour diviser l'échauffement et les contraintes en deux étapes.

Choisir une forme correcte :

On a vu que la majorité de l'échauffement provient de la compression de l'air devant le vaisseau, et que la couche limite qui "colle" au véhicule permet de reculer l'onde de choc. Mais quel est l'avantage ?

Assez logiquement, une onde de choc collée au véhicule ou serrée en un point va concentrer la chaleur, alors qu'une onde éloignée et étalée va répartir la chaleur sur le coussin d'air peu conducteur qui protège le véhicule.

La forme de notre véhicule peut déterminer à quel point l'onde de choc est éloignée, et on va voir comment ci-dessous.

Comme pour la photo du T-38 que l'on a vu plus haut, on utilise ici un optique "Schlieren" qui rend visible la densité de l'air et donc les ondes et ondes de choc

Comme vous pouvez le voir, un objet pointu et fin va concenter la chaleur sur sa pointe, alors qu'un objet arrondi va diffuser l'onde de choc et sa chaleur extrême, et génerer un "coussin d'air" plus épais.

Grâce à cette forme, une grande partie de énergie thermique passe autour du véhicule et se dissipe lentement dans l'atmosphère.

Choisir un bouclier thermique :

Il existe deux grandes familles de boucliers thermiques : les boucliers ablatifs ( qui se dégradent et se sacrifient pour le vaisseau ) et les boucliers isolants ( qui absorbent la chaleur et la diffuse lentement au véhicule et à l'air ).

Les "Ablators" ( le corsaire de l'espace ? ) :

Ce type de bouclier aura deux réactions différentes face à la chaleur. La couche externe va d'abord brûler et fondre et se sublimer ( passer sans transisiton de l'état solide à l'état gazeux ), en absorbant de l'énergie. La seconde coucher va réagir chimiquement et subir une pyrolyse ( une décomposition par la chaleur ) et dégazer ( relâcher du gaz ) qui va encore plus densifier notre coussin d'air et faire reculer l'onde de choc.

Comparez ici la différence entre le bouclier de Curiosity avant son départ pour Mars et le bouclier du module de commande d'Apollo 12 après son retour sur Terre.

Ces boucliers sont construits en matérieux composites à base de silice ou de carbone, liés à une résine.

On estime qu'une fois soumis au 4 000 degrés Celsius de la rentrée atmosphérique, ce type de bouclier va :

  • Rayonner 50% de l'énergie
  • Subir une ablation et une pyrolyse qui va consommer 40% de l'énergie
  • Transmettre les 10% restants au véhicule.

Pour exemple, la sonde Galileo qui a plongé dans Jupiter à perdu plus de la moitié de la masse de son boucleir thermique lros de l'entrée dans l'atmosphère Jovienne !

Les "Insulators" :

Très connu pour avoir été monté sous les navettes spatiales américaines, ce type de bouclier à pour but d'emmagasiner la chaleur et de la diffuser lentement, grâce à une conductivité thermique minimale.

Vue infrarouge de la navette Columbia lors du retour de STS-3. L'orbiteur se déplacait alors à Mach 15.6 à une altitude de 56km, c'est à dire après le pic principal de chaleur de l'entrée atmosphérique.

Intéressons nous d'abord aux tuiles de protection thermique de la navette, aussi appelées High-temperature Reusable Surface Insulation, ou HRSI. Atteignant une température de plus de 1500°C, elles sont faites en silice très poreuse (remplies à 94 % d'air), et d'une couche de borosilicate.

Ces tuiles sont célèbres suite à une démonstration où quelqu'un tient une tuile à pleine main sans se brûler, alors qu'elle a été chauffée au rouge dans un four censé représenter la chaleur de la rentrée atmosphérique. Cette démonstration prouve que les tuiles sont capables de transmettre la chaleur si doucement qu'elle pourra se diffuser dans l'air et dans la structure de la navette sans créer de point chaud et donc de risque structurel.

Le nez de la navette et les bords d'attaque des ailes atteignent environ 2000°C lors de l'entrée atmosphérique, et sont donc protégés par un matériau carbone-carbone grisâtre. C'est le même type de matériau que celui utilisé dans les disques de freins de Formule 1. Un de ses défauts majeurs est son manque de résistance aux chocs, entraînant la perte de l'orbiteur Columbia et de son équipage 1er février 2003, après qu'un bloc de mousse isolante ai frappé le bord d'attaque de l'aile gauche au lancement.

Vue de Discovery en approche de l'ISS pour STS-114 le 28 Juillet 2005. On distingue bien le carbone-carbone renforcé dans le nez et les bords d'attaque des ailes, les tuiles HRSI et les couvertures thermiques blanches, qui elles ne sont résistantes qu'à environ 700°C et qui ne rencontreront que du plasma qui passera le long.

Ce type de bouclier thermique est donc fait pour ne pas s'user lors de l'entrée atmosphérique et être réutilisé. Bien que le système s'abîme ( vibrations au décollage, collisions en orbite ou en vol ), il peut subir les chaleurs extrêmes liées à la rentrée atmosphérique sans fondre ou subir d'ablation, et donc subir chauffage et rayonnement plusieurs fois.

Conclusion :

L'entrée atmosphérique est un domaine complexe, associant différents régimes de vol où l'air se comporte différement, des températures si grandes que la matière passe à l'état de plasma, et nécessite une grande attention lors du design d'un véhicule spatial. La trajectoire doit être déterminée à l'avance et parfaitement suivie, la forme du véhicule devra être étudiée en soufflerie et en simulations, et le bouclier est à choisir et à tester en fonction du besoin de réutilisation, de la vitesse d'entrée, mais aussi de la composition chimique de l'atmosphère, pour assurer une pyrolyse réussie ou non.

Bien qu'il serait techniquement possible de faire une entrée "froide", comme l'a fait Félix Baumgartner en sautant depuis un ballon stratosphérique, il faudrait pour cela une vitesse initiale quasi nulle, et un coefficient balistique bas, pour rester à basse vitesse. Cependant, dans le cas d'un véhicule spatial, le poids du carburant nécessaire au freinage de la vitesse orbitale à l'arrêt ( avant la chute ) serait inévitablement trop lourd.

Je souhaiterai aussi pointer le risque lié à un flux turbulent de l'air lors de l'entrée atmosphérique : si l'air se piège dans une zone tourbillonante, la chaleur risque de se concentrer en un point et user le bouclier bien plus fortement que prévu. Cela peut se voir sur l'image suivante, le "Elevon Gap Heating" représente l'air piégé, échauffant le léger trou entre les ailerons de la navette spatiale. Bien sûr, ce phénomène était prévu et la navette était protégée.

Pour conclure, un système de refroidissement actif peut-être envisagé, en faisant circuler un fluide le long de la paroi soumise à la chaleur pour qu'elle transmette cette chaleur au fluide, comme pour un "Water Cooling" d'ordinateur. Cette solution était retenue pour le Starship de SpaceX, qui est cependant revenu à un système plus habituel de tuiles thermiques après étude.

J'éspère que vous aurez appris des choses sur cette phase critique d'un vol spatial qu'est l'entrée dans une atmosphère, et que cet article vous aura plu. Si c'est le cas, n'hésitez pas à le partager !

Merci de votre lecture, Niels.

PS : Un grand merci à Zia pour sa traduction, et à CapComInfo, Darkellysio et T.R.F pour leur lecture et leur retours !