Comment faire atterrir les premiers étages de lanceurs ?

Space 'n' Science

Comment faire atterrir les premiers étages de lanceurs ?

Avant - Propos :

Nous avons TOUS en tête l'image d'atterrissages sur des corps extérieurs à la Terre : Apollo (Lune), InSight (Mars), Huygens (Titan), Philae (Rosetta), MASCOT (Ryugu) et bien d'autres. Mais depuis quelques temps, on aperçoit de plus en plus de superbes vidéos et photos d'engins spatiaux se posant sur Terre, non pas des Soyuz de retour de l'ISS mais bien des premiers étages de lanceurs. Pourquoi ? Comment ? Je vous dévoilerai cela dans la suite de cet article, qui sera directement lié à ceux sur la Falcon Heavy, le guidage des fusées et les moteurs de lanceurs !

Introduction :

La trajectoire lors du tir :

Un lanceur décollant de son pas de tir adopte une trajectoire (bien évidemment) verticale (qu'il devra compenser pour atterrir), mais aussi de la vitesse horizontale ! En effet, vous avez vus dans l'article sur les orbites qu'une orbite est faite de vitesse horizontale. Partir haut dans l'espace ne fera que retomber plus vite !

C'est pourquoi la plupart des fusées laissent une trace en arc de cercle et se penchent durant leur vol, visible comme ici sur un lancement de la navette Atlantis.

Ainsi, si on veut faire revenir un lanceur autour de (voire sur, on en reparlera plus tard) son pas de tir, il faudra retomber (facile, la gravité aide) et rallumer les moteurs pour contrer l'inertie horizontale, et inverser la marche.

La trace au sol (footprint en anglais) est le nom de la projection au sol de la trajectoire du lanceur. Ainsi, pour le satellite, sa trace au sol représente son orbite. Mais pour un étage de lanceur qui revient, on verra la trace s'éloigner de son pas de tir pendant son éloignement, puis faire une sorte de demi-tour pour revenir se poser sur les Landings Zones non loin (dans le cas, par exemple, des pas de tir en Floride pour SpaceX).

Au niveau de l'énergie du lanceur, il devra réduire l'énergie mécanique (cinétique & potentielle de pesanteur) qu'il a lui-même emmagasiné ! Il devra donc utiliser à la fois ses moteurs et des dispositifs de freinage adaptés : des grid fins et ses moteurs, par exemple !

(C) SpaceX

Plan :

On parlera d'abord de l'atterrissage en théorie, puis de comment SpaceX à pu réussir ces atterrissages en série, les projets futurs (y compris hors SpaceX) et enfin des Landings Zones et Barges Automatiques.

L'atterrissage en lui-même :

Prenons comme exemple SpaceX (même si nous parlerons des autres sociétés et/ou projets par la suite). Avant d'arriver à leur perle d'ingénierie que fut le double atterrissage simultané lors du lancement de la Falcon Heavy, les équipes de SpaceX ont du surmonter des difficultés que n'importe quel projet de lanceur réutilisable rencontrera.

Voilà la trajectoire théorique d'un tir avec retour sur une barge automatique en mer (dont on reparlera plus tard). Apportons quelques précisions. Ici, le boostback n'est pas forcément nécessaire : ne devant PAS revenir sur une Landing Zone proche du pas de tir, les équipes de SpaceX ont deux choix. Soit, ils envoient une barge à l'endroit où le premier étage arrivera via son inertie (ce qui implique un long trajet de retour), soit ils l'envoient proche du lieu de tir, ce qui implique un boostback burn. Deuxième précision, les Grids Fins se déploient désormais AVANT le reentry burn. Enfin, le landing burn se fait avec d'abord 3 puis 1 seul moteur Merlin D+.

Prenons donc la trajectoire citée ici. (C) SpaceX

Après avoir lancé le deuxième étage vers sur une trajectoire suborbitale, le premier étage se sépare du reste du lanceur à environ 110km d'altitude. (C) SpaceX

Il se retourne en utilisant ses RCS (Reaction Control System) à l'azote, et déploie ses Grid Fins, avant d'allumer plus ou moins longtemps un à trois de ses moteurs : c'est le fameux "BoostBack Burn" qui sert à ramener l'étage sur une trajectoire de rentrée atmosphérique vers son lieu d'atterrissage. Certains boostback permettent un retour presque au lieu du tir (comme sur les boosters de la Falcon Heavy), ce qui demande d'inverser la marche, alors que le lanceur se déplace à plusieurs milliers de kilomètres/heures !

(C) Mike Kitaif

Sur cette photo de Mike Kitaif pendant un tir d'une Falcon9, on distingue bien sur la gauche le deuxième étage qui allume son Merlin Vacuum pour la mise en orbite (sa flamme s'étend largement à cause du manque de pression ambiante), alors que sur la droite on voit le premier étage réaliser son BoostBack Burn. Les flammes se rencontrent au milieu de l'image, créant cet aspect de Supernova ou de Nébuleuse.

Une fois le premier étage sur la trajectoire de retour et après une légère période de calme, il va subir l'échauffement et les forces aérodynamique de la rentrée atmosphérique.

(C) SpaceX

Durant la rentrée atmosphérique, l'étage rallume ses moteurs pour freiner légèrement, passant d'un vol hypersonique à "seulement" un vol supersonique. Cela permet d'éviter un échauffement trop important ou une dislocation de l'étage, mais aussi d'affiner encore notre trajectoire.

Une fois dans les couches denses de l'air, le lanceur va combiner ses grid fins et sa forme générale pour se guider, en effet, ces grilles d'environ 2m de côté permettent d'orienter sur 3 axes notre étage (haut de 50m) sur une vingtaine de degrés ! La forme tubulaire permet de générer une légère portance, fléchissant la trajectoire vers le lieu d'atterrissage.

D'ailleurs, cette portance permet d'assurer la sécurité des gens vivant proches des lieux de lancement ! Lors du lancement d'un Cargo Dragon vers l'ISS pour la mission CRS-16, le booster à vu sa pompe hydraulique décrocher, empêchant les grids fins de se remettre droit, créant une force de rotation continue.

(C) SpaceX

Si l'étage ne pouvait générer aucune portance, les équipes de SpaceX le lanceraient droit vers la Landing Zone, risquant un crash dans des lieux habités ou sur le DroneShip en cas de défaillance. Cependant, via cette portance, ils le dirigent d'abord vers l'océan, avant de le faire "flotter" vers sa Landing Zone via ses grids fins. L'étage du vol CRS-16 s'est quand même posé dans l'océan, deux de ses trois moteurs utilisés pour le final burn pivotant pour contrer cette rotation.

Revenons sur notre trajectoire, une fois en approche du lieu d'atterrissage final, le lanceur se remet droit, allume son moteur central (plus bas, plus agile que les autres) et deux moteurs annexes, freinant fortement, avant d'éteindre les moteurs annexes et de laisser le moteur central faire pivoter et ralentir l'étage. Pendant ce coup de frein spatial, les trains d'atterrissages se déploient simultanément réduisant encore la rotation potentielle par effet moment cinétique (plus d'explications).

Le toucher se fait à maximum 6 mètres/seconde. Les landings zones ou les barges étant assez grandes (86m de diamètre pour les LZ, et 90x52m pour les barges), l'étage peut toucher hors du centre parfait, on rappelle que les deux sont guidés par GPS et se sont rejoints depuis l'espace ! Une précision millimétrique n'étant pas possible, bien sûr.

(C) SpaceX

Pour conclure avec la trajectoire, voilà une image faite par John Kraus, montrant une Falcon9 quittant le sol (à gauche) et son étage revenir (entry burn en haut, landing burn en bas, à droite).

(C) John Kraus

Historique de la flotte SpaceX et du développement :

Avant de réaliser les superbes atterrissages connus mondialement que furent les deux boosters de la Falcon Heavy, les équipes de SpaceX ont dû relever de nombreux défis. Ainsi, en l'espace de six ans, SpaceX a annoncé et lancé de nombreux types de fusées. Pour commencer, parlons de la GrassHopper. Annoncé en 2011, deux ans après le dernier vol de la Falcon1, c'est une fusée suborbitale dédiée à l'étude des atterrissages verticaux (ça tombe bien , c'est le sujet de cet article!).

GrassHopper :

La GrassHopper était simplement un réservoir de premier étage de Falcon1 avec un unique moteur Merlin1D, faisant en tout 32 mètres de haut. Son train d'atterissage était (pour le moment) fixe.

(C) SpaceX

Les vols de tests se déroulent en 3 phases : décollage vertical, montée jusqu'à l'altitude ciblée, puis descente et atterrissage vertical à basse vitesse. Ces vols duraient entre 3 et 79 secondes, leur apogée allant de 2 à 745 mètres d'altitude, au dessus du Texas. La GrassHopper fut tirée 8 fois, le premier vol (septembre 2012) étant un simple bond de 2 mètres de haut pendant 3 secondes avec un réservoir quasiment vide. Lors de son troisième vol, elle réalisa le premier "hover" (vol quasi stationnaire) à une altitude de 40mètres, avant d'atterrir doucement. Un autre vol remarquable était son avant-dernier tir, durant lequel la GrassHopper réalisa un décalage latéral d'une centaine de mètres avant de revenir sur sa zone de lancement.

Elon Musk dira de la GrassHopper qu'elle "pouvait atterrir aussi précisément qu'un hélicoptère".

Les équipes de SpaceX, satisfaites par ces vols, décida donc de lancer le développement d'un modèle de test pour les Falcon9, bien plus grandes et massives que la Falcon1.

F9R Dev1/2 :

La F9R dev1 était une version "musclée" de la F9R : un réservoir taille réelle de Falcon9, des pieds rétractables, et plus tard, des grids fins ! Ce modèle permit de valider les modèles de vol des Falcon9 au retour, et de nombreuses techniques, telles que les déploiements des pieds, le pilotage par grid fins, des trajectoires de vol...

(C)SpaceX

La F9R est quasiment deux fois plus grande que la GrassHopper, haute de 49 mètres ! Ses trains d'atterissage rétractables via un piston téléscopique étaient bien moins lourdes que la grosse structure en métal fixe de la GrassHopper, en plus de son aérodynamique améliorée. Déployées avec de l'hélium sous pression, les jambes mesurent 18m d'envergure, pesant 2100kg. Par ailleurs, sa baie moteur varie aussi du la GrassHopper : la F9R avait 3 moteurs Merlin 1D, pour pouvoir varier les allumages et trajectoires lors de tests.

Son premier vol eu lieu en avril 2014, montant à 250m d'altitude avant de réaliser un "hovering" et des déplacement horizontaux et de revenir sur le pas de tir. Elle fut dotée des premiers Grid Fins pour son troisième vol.

(C)SpaceX

Cependant, lors de son 5ème vol, un capteur envoya un signal erroné, faisant dévier la F9R dev1 de son chemin, déclenchant alors le système de destruction en vol.

(C)SpaceX

(C)SpaceX

SpaceX avait annoncé la F9R dev2, une version améliorée de la F9R dev1, devant être tirée vers de très haute altitudes depuis SpacePort America, mais finalement, ils décidèrent d'utiliser leur Falcon9 commerciales pour la suite du développement.

Falcon9 :

Les équipes de SpaceX ont doté les Falcon9 de grid fins et de pieds d'atterissages très rapidement, tout en les faisant évoluer au fur et à mesure des vols : grid fins en titane, pieds d'atterissages rétractables et nons pas démontables, etc.

Le plus important étant bien sûr de faire revenir le lanceur... ce qui s'avéra plus compelexe qu'il n'y paraît ! En effet, si les vol GrassHopper / F9R étaient de grandes réussites, faire revenir un booster depuis 110km de haut et plusieurs milliers de kilomètres par heure de vitesse relative au lieu d'atterissage, ce n'est pas la même affaire.

(C)SpaceX

Entre 2013 et 2016, les Falcon9 commencèrent donc leurs essais. Dès 2017, l'atterissage est presque devenu une routine !

Les phases d'EDL (Entry Descent & Landing) s'améliorant au fur et à mesure des [nombreux] échecs.

Le premier essai eu lieu lors du sixième vol des Falcon9 (comme quoi le lanceur était vraiment destiné à la réutilisation), en septembre 2013, pour le premier vol de la F9 v1.1 .

Pour le vol CRS-3, l'étage suivit toute la trajectoire prévue pour atterrir sur une barge, sauf que SpaceX ne risqua pas sa barge, laissant l'étage se poser dans l'eau.

Même si les étages s'approchaient de l'atterissage parfait...des ratés étaient encore courants ! Oups... pour rappel cet étage fait 50m de haut, et environ 300 tonnes !

(C)SpaceX

Tous les vols depuis ceux ci terminaient leur lancement par un essai d'atterissage, plus ou moins doux, plus ou moins précis, avec parfois un posé doux... avant de s'effondrer !

Le premier posé d'un premier étage de Falcon9 eu lieu en Décembre 2015 sur la LZ-1 (dont on parlera plus tard). Le premier atterissage sur barge fut réaliser en Avril 2016, et son booster fut le premier à re-voler, et être récupéré une seconde fois !

ENFIN !

(C)SpaceX

Entre 2013 et 2016, SpaceX lança 16 vols (commerciaux) de test, dont 6 réussirent l'exploit d'atterrir doucement (et en un seul morceau APRES le posé) :

  • Flight 20 (OrbComm OG2 M2) = posé sur LZ-1 en Décembre 2015.
  • Flight 23 (CRS 8) = Premier posé STABLE sur la Barge "Of Course I Still Love You" (OCISLY) en Avril 2016 dans l'Atlantique. Les 4 essais précédents avaient amené le booster jusqu'à la barge, mais il fut détruit à l'atterissag (grid fin coincé, angle de chute trop élevé, coupure moteur trop tôt...)
  • Flight 24 (JCSAT-14) & Flight 25 (Thicom 8) = Premiers retours à haute vélocité depuis des lancements GTO, sur les barges en mer. Pour atterrir avec tant de vitesse, le booster allume ses 3 moteurs pendant une courte période puis ne se pose qu'avec le moteur central.
  • Flight 27 (CRS 9) = Posé sur LZ-1 en Juillet 2016.
  • Flight 28 (JCSAT-16) = Posé sur OCISLY en Aout 2016.

Après ces vols, les atterissages sont passés d'expérimentaux à routiniers.

Cependant les équipes de SpaceX ont monté une vidéo dédiée aux échecs lors de toutes leurs tentatives d'atterissages, une communication hilarante et représentative des améliorations !

Améliorant peu à peu ses trajectoires (optimisation de la consommation de carburant et de l'usure structurelles), ses matériels (résistance des grid fins, maintenance des pieds au sol), tout en améliorant les Falcon9, jusqu'au Block5, la version actuelle, avec ses pieds et son interstage noir mat.

(C)SpaceX

Cette version, plus légère mais plus puissante, permet l'envoi de charges lourdes et une réutilisation théoriquement facilitée.

Maintenant que le retour d'UN étage est maitrisé... qu'en est-il d'atterrir en groupe ?

Falcon Heavy :

La Falcon Heavy, dont on à déjà parlé ici est, pour l'instant, le lanceur le plus lourd de chez SpaceX. Combinant une Falcon9 "standard" et deux premirs étages de F9 sur les côtés, ce lanceur part en 1 seul bloc, et se sépare en QUATRES fusées pendant le vol : les 2 boosters latéraux qui vont revenir se poser sur les LZ-1 et LZ-2, l'étage principal qui va se poser en mer sur une barge, et l'étage supérieur qui part injecter la charge utile sur l'orbite désirée.

(C) SpaceX

Le grand challenge de ces tirs est donc de gérer 4 étages en même temps, surtout lors du retour des boosters, qui ne se posent qu'à quelques dizaines des mètres l'un de l'autre!

(C) SpaceX

Rapide résumé du premier tir (je vous invite à lire l'article sur la Falcon Heavy sur ce site pour plus de détails!), les deux boosters se sont posés en même temps sur les Landings Zones de SpaceX, l'étage central manquait de TEA-TEB (le mélange qui sert à allumer les moteurs) et a donc freiné avec 1 moteur Merlin au lieu de 3... ce qui lui a valu un crash à côté de la barge !

(C) SpaceX

Le prochain tir devrait avoir lieu bientôt, peut-être enfin un retour de 3 étages en même temps ?

StarHopper :

Aussi appellé Starship Hopper, ce lanceur surborbital est une sorte de GrassHopper ou de F9R dédiée à la validation des moteurs Raptors et du modèle de vol du prochain vaisseau interplanétaire : le StarShip (alias BFR, puis ITS...).

(C) SpaceX

Cette fusée de test est donc destinées à analyser comment le StarShip se comportera en vol, et les performances des nouveaux moteur fusées de SpaceX : les Raptors. Je vous renvoie sur l'article dédié aux moteurs des lanceurs (ici) pour comprendre comment ces moteurs à cycle fermé utilisant du méthane liquide fonctionnent.

(C) SpaceX

Il devait avoir une forme classique pour un lanceur mais suite à de forts vents, le haut du Hopper s'est effondré, laissant maintenant le Hopper avec cette forme peu usuelle pour une fusée !

(C) SpaceX

Projets futurs et challenges d'ingénierie :

Nous avons résumé la flotte passée et actuelle de SpaceX, passons à la suite des projets de récupération :

Coiffes :

On l'a détaillé dans un article dédié mais la récupération des coiffes est un sujet important dans l'actualité spatiale : une coiffe peut coûter jusqu'à 5 millions de dollars... et finit souvent dans l'océan ! Récupérer une partie permettrait de réduire les frais de lancements, et donc d'ouvrir un accès à l'espace plus facile.

(C) SpaceX

Deuxièmes Etages :

Encore une fois, SpaceX possède des idées originales ! Faire revenir un deuxième étage permettrait de relancer une fusée juste en remplissant les réservoirs.

(C) OliGoMeta/Reddit

Cependant, les 2èmes étages partent souvent sur des orbites à fort Apoapsis telles que les GTO, et chuter depuis 35786km d'altitude crée une énergie si forte, que le lanceur perdrait une énorme capacité de charge utile à cause du poids de son bouclier thermique.

Autre problème : allumer dans l'atmosphère un moteur dédié au vol dans le vide va créer de très fortes turbulences dans le moteur jusqu'à sa destruction. Il faudrait alors utiliser SOIT un parachute (pour un étage très lourd, c'est quasiment impossible), SOIT un moteur à tyuyère "atmosphérique" mais le lanceur perdrait en performances une fois dans le vide.

Récupérer un tel étage est donc, pour le moment, impossible.

StarShip & Mars :

Le StarShip, c'est l'étage supérieur relié au booster Super Heavy. Si vous n'avez rien compris à cette phrase, c'est car cette fusée a souvent changé de nom !

(C) SpaceX

Dotée d'une trentaine de moteur raptors sur le premier étage (!) et 7 raptors sur le vaisseau en lui-même, c'est un lanceur monstrueux. Des premières mesures donnent une estimation de plus de 100 mètres de haut et plus de 4500 tonnes au décollage !

Il existerait 3 versions différentes du lanceur : une dédiée au trasport d'astronautes, une pour le lancement de (gros) satellites et une destinée au remplissage des réservoirs des autres versions.

En effet le StarShip devra se placer en orbite avec son équipage pendant que le Booster "Super Heavy" reviendra se poser sur le pas de tir (le précision demandée est incroyable !) puis un StarShip "Tankr" viendra remplir les réservoirs du premier pour qu'il puisse partir jusqu'à Mars !

Il se posera sur Mars, repartira plus tard et reviendra sur Terre.

Une première mission pour Starship sera le projet projet #dearMoon qui enverra le milliardaire japonais Yusaku Maezawa ainsi que des artistes autour de la Lune.

Son démonstrateur technologique, le Hopper dont on a parlé plus tôt n'a à peine décollé que de quelques centimètres à l'heure où j'céris ces lignes. Verra-t-on un jour un vrai StarShip voler ?

(C) SpaceX

Callisto, Blue Origin, etc :

SpaceX n'est pas la seule entreprise tournée vers la récupération d'étage (et bien des gens pourraient critiquer cet attachement à SpaceX lors de cet article !) cependant le CNES avec le projet Callisto et Blue Origin travaillent d'arrache-pied à développer les lanceurs du futur.

Callisto et le CNES :

Le Centre National d'Etudes Spatiales à récemment dévoilé CALLISTO : un véhicule spatial haut de 15 m entièrement réutilisable. Son 1er vol d'essai est prévu au Centre spatial guyanais fin 2020, réalisant un aller-retour jusqu'à une cinquantaine de km d'altitude.

(C) CNES

Citons les : "La réutilisation une voie explorée par les sociétés américaines SpaceX et Blue Origin. Depuis le début des années 80, le CNES travaille sur un tel concept mais ces études n’ont jamais abouti à une démonstration concrète. Pour pallier ce manque, le CNES a décidé de lancer avec des partenaires internationaux plusieurs vols d'essais d'un petit véhicule spatial entièrement réutilisable baptisé Callisto.

Haut de 15 m pour un mètre de diamètre, Callisto sera équipé d'un moteur cryotechnique réutilisable fonctionnant à l’hydrogène et à l’oxygène. Callisto n'a pas vocation à devenir un véhicule opérationnel. C'est un démonstrateur destiné à réaliser des essais en vol pour maitriser le retour complexe d'un lanceur, les opérations de revalidation entre 2 vols et chiffrer précisément le coût d’un lanceur opérationnel européen dont le 1er étage serait réutilisable.

Acronyme de “Cooperative Action Leading to Launcher Innovation in Stage Toss-back Operations”, Callisto est un projet mené depuis novembre 2015 principalement par le CNES et l’Agence spatiale allemande (DLR). Le CNES est responsable des études d’architecture du véhicule et du sol. Un grand nombre d’industriels internationaux est amené à contribuer concrètement à la réalisation de cette expérience.

L'objectif est de monter à 35 Km d'altitude, de faire toutes les manœuvres pour revenir se poser à proximité du pas de tir avec une précision de quelques mètres. Et de réutiliser le même véhicule 5 fois"

Avec un potentiel vol en 2020, un designe déjà complet, impliquant des grids fins et pieds allemands, un moteur cryogénique japonais, CALLISTO est sur la bonne voie !

(C) CNES

Blue Origin :

Société fondée en 2000 par le PDG d'Amazon Jeff Bezos, elle se montre très productive, développant les moteurs BE3 et BE4, et le lanceur suborbital touristique New Shepard, et bientôt la New Glenn.

Le New Shepard est le premier lanceur de la société.

(C) Blue Origin

Cette fusée monoétage est propulsée par un unique moteur BE3 de 49 tonnes de poussée provenant de chez Blue Origin. Sa poussée peut descendre à 8,9 tonnes lors de l'atterrissage vertical. Les ailerons sur son corps et ses aérofreins se déploient et servent à la contrôler en montée et en descente. Ses 4 jambes se déploient juste avant de toucher, sur la LZ de Blue Origin, proche du pas de tir.

(C) Blue Origin

La cabine se détache une fois arrivée en haute altitude et offre une vue de la Terre depuis 100km d'altitude. Pendant que l'étage redescend et se pose, la cabine déploie ses parachutes et ramène ses passagers sur le sol.

La capsule embarque 6 passagers et a un volume habitable de 15 mètres cubes. Elle possède 6 fenêtres de 73 cm de largeur pour 1 mètre de hauteur, faisant d'elles les plus grandes fenêtres du vol spatial habité.

Son moteur à propergol solide de 32 tonnes de poussée peut se déclencher pendant 2 secondes pour s'écarter du lanceur en cas de défaillance.

(C) Blue Origin

Le test de ce système de secours ayant été concluant, la New Shepard à volé 10 fois sans un seul échec, avec un temps de propulsion de 150 secondes et une altitude record de 101,7km. Les passagers à bord ressentent 3 à 5G maximum.

Blue Origin travaille aussi sur un lanceur lourd nommé New Glenn en référence à John Glenn, premier astronaute américain a réaliser une vraie orbite.

(C) Blue Origin

Ce lanceur lourd utilisera, tout comme la Vulcan de chez ULA, des moteurs BE4 et BE3. Utilisant 2 à 3 étages dont le premier sera réutilisable, ce lanceur d'environ 85 mètres de haut pour 7 mètres de diamètre devrait voler vers 2021. Le premier étage devrait se poser sur un bateau dédié.

(C) Blue Origin

Les Barges de retour & les Landings Zones :

Avoir un lanceur réutilisable, c'est bien. Mais il faut pouvoir le faire atterrir ! Revenons chez SpaceX, qui possède de nombreux bateaux spécialement modifiés pour.

La Flotte SpaceX :

DroneShips :

Les Droneships ou autonomous spaceport drone ship (ASDS) sont les barges de récupération utilisées par SpaceX pour poser les étages de Falcon9. Ces bateaux (à la base des simples Marmac303 et 304) sont des barges hautement modifiées pour pouvoir se positionner précisément et supporter l'atterrissage d'un lanceur de 50m de haut en plein sur les vagues.

(C) SpaceX

SpaceX possède (pour l'instant) deux barges : Just Read The Instructions (retirée en 2015), Of Course I Still Love You (abrégée OSCILY) et bientôt A Shortfall Of Gravitas. Ces noms proviennent dela série de romans de science fiction de Iain Banks.

Munies de systèmes GPS de haute précision, de murs anti souffle pour protéger les conteneurs et équipements lors des tentatives d'atterrissages et de 4 pods moteurs diesel, ces barges de 90m x 50m peuvent sans problème se positionner à moins de 3 mètres de la position parfaite, même avec de la houle.

Bien sûr, la météo touchant OCISLY est un facteur de report de lancement !

De nombreuses caméras sont présentes sur les barges pour les lives et les vidéos post-tentative de posé.

Ces barges sont parfois endommagées lors d'échecs, tel que le raté de CRS-5 ou de la Falcon Heavy (premier vol). La première a frappé le pont de plein fouet, le perforant, la seconde a explosé a côté, détruisant 2 pods moteurs. (C) SpaceX

Go Quest & Elsbeth III :

Ces deux bateaux sont les fers de lance des opérations avec les barges automatisées.

(C) Julia Bergeron

Go Quest sert de bateau de soutien lors des opérations impliquant OCISLY. Les techniciens montent sur la barge après le posé et utilisent Go Quest en tant que poste de travail.

(C) InletPhotos

De son côté, Elsbeth III est le remorqueur que SpaceX utilise pour amener la barge jusqu'à son poste, car la barge utilise ses moteurs uniquement pour se positionner précisément, pas pour voyager.

Mr.Steven :

Ce bateau est le bateau de SpaceX dont on entend le plus parler : il est la cible de toutes les coiffes qui veulent se poser. Muni de 4 grands bras entre lesquels sont tendus quelques 3700 mètres carrés de filet très résistant, ce bateau a vu des coiffes se poser tout proche de lui, mais n'en a capturé aucune jsqu'ici.

(C) SpaceX

Comme on l'a dit, la coiffe représente 10% du coût du tir, MrSteven sera la clé de cette baisse de prix !

Depuis mon dernier article à son propos, ce bateau a vu la surface de son filet multipliée par 4 !

Go Searcher :

SpaceX est discrète avec ce bateau. Depuis ce forum français, on a pu suivre la modification progressive de Go Searcher pour qu'il devienne enfin le bateau de récupération des capsules Crew Dragon et de leurs astronautes !

(C) SpaceX

Parti d'un bateau tel que Go Quest, on a vu s'ajouter des radômes (domes radar), une grue arrière et un hélipad. Ce bateau a servi lors de DM-1 (le vol test du Crew Dragon) où il a en effet récupéré la capsule (et son parachute !).

(C) SpaceX

Go Navigator :

Nouveau venu dans la flotte, Go Navigator assiste Go Searcher dans la récupération des capsules. Il transporte de l'équipement et des techniciens pour toutes les opérations commencant depuis l'entrée atmosphérique jusqu'à l'amarrage dans le port !

(C) SpaceX Fleet website

Les zones fixes :

SpaceX utilise, tout comme Blue Origin et Callisto, des zones fixes et bien ancrées dans la Terre pour récupérer les boosters de Falcon Heavy.

LZ1 :

La Landing Zone 1 est une de ces deux base d'atterrissage de fusée située proche de Cape Canaveral.

(C) SpaceX

Cet ancien poste de tir de missile est devenu maintenant un cercle de 90m de diamètre acceuillant les retours d'étage et supportant toute les opérations autour des boosters : depuis les moyens de lutte anti-incendie jusqu'au wifi, LZ1 possède le nécessaire pour travailler sur les Falcons.

LZ2 :

Soeur jumelle de LZ1, elle est située quelques dizaines de mètres à côté, et est peinte en noir au lieu d'en blanc. Elle complète le dispositif LZ1/LZ2/OCISLY lors de lancements Falcon Heavy !

(C) SpaceX

Conclusion :

Peu importe l'entreprise, le pays, les moyens, récupérer ne serait-ce qu'une partie d'un lanceur (intacte) est nécessaire pour réduire les coûts lors de campagnes de tir. Ainsi, en prenant l'exemple de SpaceX, on a vu quelle trajectoires prendre, quels sont les risques, besoins et les projets futurs.

On ne peut qu'attendre de découvrir les futur projets et atterrissages !

(C) SpaceX

Merci de la lecture, Niels.