Etude du bruit des hélices et rotors et de la réduction de leur intensité sonore

Space 'n' Science

Sommaire :

  • Bases de la propulsion par hélices
  • Bases de la sustentation par voilure tournante
  • Etude du bruit généré par le moteur seul
  • Etude du bruit aérodynamique de l'appareil (fuselage, aile)
  • Etude du bruit causé par l'hélice
  • Prise en compte des atténuations et modifications
  • Conclusion : comment réduire le volume?

Introduction :

Commençons par écouter cette vidéo, et regarder le changement radical du son après le passage des deux hélicoptères.

Lors du passage d'un avion à hélice ou d'un hélicoptère, on est en droit de se demander pourquoi l'appareil émet un bruit aussi puissant et sur une distance aussi importance ! Sans s'en douter, on assiste en fait à une combinaison de phénomènes aérodynamiques et de paramètres d'ingénierie complexes. Nous allons doucement décortiquer tous ces phénomènes pour mieux comprendre, de l'étude du moteur jusqu'aux interactions entre les flux aérodynamiques propres à l'aéronef, et les différents "filtres" existants qui vont modifier le son qu'on perçoit.

Bien que nous allons nous concentrer sur les hélicoptères, on étudiera un peu le cas des avions à hélices, dont les sources de bruit sont similaires. De plus, lorsque l’on parlera de « bruit », on parlera de l’intensité sonore de l’appareil entendue par un observateur au sol et non un passager.

Les bases de la propulsion d'aéronefs par des hélices :

Afin de se déplacer dans la masse d'air autour de lui, un avion doit équilibrer sa trainée aérodynamique par sa traction.

Nous allons nous concentrer sur les avions à hélices dans cet article, et omettre les avions à réaction, dont on a parlé dans un autre article.

L’hélice reliée à l’arbre ou à une boîte de vitesse est en bois ou métal, et orientée selon un angle bien précis : l’hélice agit comme une aile qui créerait une surpression et une dépression, mais orientée dans l’axe de l’avion. L’angle selon lequel l’hélice est orientée par rapport à l’arbre est nommé « pas ». Voyez le pas comme une boîte de vitesse pour avions, par exemple le point mort pour un avion est dit « drapeau » et ne génère aucune traction mais aussi aucune trainée : l’hélice est dans l’axe du vent.

(C) L'Avionnaire

Comme sur un moteur de voiture, régler le pas permet aussi de régler la force de traction, et si démarrer en 5ème n’est pas conseillé, il en va de même pour un pas trop grand au décollage ! C’est pour cela que les hélices à pas fixe sont un compromis entre performances à basse vitesse et vitesse maximale pas trop basse. Le risque d’une hélice à pas fixe est un sur-couple de traction, ou un sur-régime du moteur. De façon plus technique, le pas est en fait la distance parcourue par l’avion lors d’un tour d’hélice. En drapeau par exemple, l’avion n’avance pas, ce calage du pas correspond au point mort d'une boîte de vitesses !

Les bases de la sustentation d'aéronefs via voilure tournante

Afin de voler, un hélicoptère doit générer de la portance. Cette portance sera générée non pas par le flux d'air autour des ailes mais autour du rotor principal ! Alors qu'un avion doit relever son nez afin d'augmenter l'angle d'attaque des ailes, l'hélicoptère va pouvoir grimper en conservant son attitude (et non pas altitude, ici on parle bien de son orientation dans les 3 axes). Pour se faire, le pilote jouera sur le levier dit collectif, qui sert à augmenter l'angle d'attaque collectif (vous comprenez le nom?) de toutes les pales. Ainsi les pales tournent et se comporte comme les ailes d'un avion en montée : elle génère de plus en plus de portance et font s'élever l'helicoptère.

Maintenant, pour la translation, on va modifier l'angle d'attaque des pales lors de leur rotation. En modifiant l'angle des pales avançantes et reculantes, on modifie où la portance se génère pour créer un couple là où l'on veut. Le cyclique en avant fera générer plus de portance vers l'arrière pour incliner le nez vers l'avant, et ainsi de suite pour les 360 degrés. Notez le changement d'angle des pale tout au long de leur rotation dans le gif ci dessous.

Pour la rotation en lacet, on va modifier l'angle des pales du rotor de queue, comme si on appliquait l'effet du collectif sur ces petites pales, pour simplement "plus" ou "moins" tirer sur la queue de l'appareil ! On va créer une portance plus ou moins forte qui va forcer l'hélicoptère à pivoter sur lui même, ou se laisser emporter par l'inertie du rotor principal.

Maintenant que vous avez ces bases, vous comprendrez mieux pourquoi on va parler de l'angle d'attaque des pales des rotors ou des hélices !

La part du moteur à piston ou de la turbine dans le bruit général de l'aéronef

Petit rappel : dans le cas d'un turboréacteur classique servant à générer de la poussée (un article est dédié aux différents moteurs à réaction, vous pouvez le retrouver ici) le son provient de l'écoulement turbulent des gaz en sortie, et de leur potentielle vitesse supersonique. En effet les gaz ne s'écoulant pas laminairement et à vitesse supersonique produisent les sifflements et craquements caractéristiques d'un avion à réaction. Les moteurs qui nous intéressent sont ici des moteurs non propulsifs : ils font tourner un rotor ou une hélice qui, eux, génèrent poussée ou portance.

Concentrons nous d'abord sur les avions à hélices. Il existe deux grandes familles de moteurs : les moteurs à pistons ou les turbopropulseurs. Même si on va essayer de parler uniquement du moteur en lui-même, dissocier le bruit du moteur et le bruit de l’hélice est compliqué.

Le principe de fonctionnement du moteur à pistons est très similaire à ceux que l'on trouve dans nos voitures. Cependant, des différences subsistent entre les deux, comme le remplacement des bougies par des magnétos ou encore les tours par minutes plus élevés en avion (allant de 2300 à 5000 RPM). Au contraire, le turbopropulseur est composé d’une turbine à gaz qui entraîne une hélice. Bien que plus cher, gourmand et complexe, l’avantage du turbopropulseur est sa performance ! Il permet d’amener des avions à hélices à des vitesses entre 300 et 800km/h, vitesse à partir de laquelle on privilégiera le turboréacteur car l’hélice perd en rendement dû à des flux transsoniques (que l’on reverra plus tard).

Un moteur à piston monté sur un avion est considéré, en général, comme 1,5 à 2 fois plus bruyant qu’un moteur de voiture ! Cette intensité est due à la consommation importante du moteur en opération (25 L/h pour un Lycoming 0-235-L2A de 120CV) et du fait que les « silencieux » (pots d’échappements pour avion) sont chers et lourds, donc pas forcément montés sur les appareils d’aéroclubs non fortunés. De plus, ces silencieux sont volumineux et génèrent donc de la trainée qui va réduire les performances de l’appareil pour rien, car une fois stabilisé en croisière à une altitude correcte, l’aéronef est quasiment silencieux pour l'observateur au sol. Même si ils paraissent bruyants, la majorité du bruit d’un avion léger est dû à son hélice, et ils ne font presque aucun bruit par rapport à l’autre famille de moteurs à hélice : les turbopropulseurs.

En effet, un turbopropulseur est, comme un turboréacteur, une turbine à gaz. Les gaz chaud turbulents sont éjectés derrière le moteur (en générant une poussée infime, contrairement aux turboréacteurs habituels) de façon non laminaire. En ajoutant toutes les sources (air chaud et turbulents en sortie, turbine aspirant de l’air à haute vitesse, parties mécaniques en rotation) on obtient le sifflement caractéristique des turbines.

En tant que pilote privé, j’ai pu entendre la différence entre une moteur à piston ou un turbopropulseur lors de l’approche des appareils sur le tarmac. Là où un avion léger fera entendre son ronronnement en approche finale, on peut entendre la turbine d’un avion turbopropulsé pendant toute sa vent-arrière, étape de base, approche finale, et décélération ! Mis à part lorsque l’on croise le plan de l’hélice (on verra pourquoi plus tard), on entend un sifflement puissant et continu. Le ressenti humain est aussi différent, car là où un moteur à piston émet un son relativement supportable à des fréquences basses et moyennes, une turbine émet un son fort et souvent aigu, des fréquences moins agréables à entendre.

Une information à ajouter, bien que l’on en parlera plus tard, est que l’hélice d’un turbopropulseur ou d’un moteur à piston n’est pas carénée comme par exemple la soufflante d’un moteur à réaction. Tout comme un mur anti-bruit le long d’une autoroute aide à réduire l’intensité sonore, un carénage aidera à rendre le groupe motopropulseur plus silencieux.

Dans un TurboShaft, type de moteur caractéristique des hélicoptères dont vous voyez le schéma ci dessous, on utilise certes une turbine à gaz, cependant ses gaz éjectés ne servent pas à la propulsion !

Tout comme dans un turboprop, le but est de mettre une hélice en rotation, à la petite différence que le rotor est monté sur une roue libre qui sert à le laisser tourner par inertie si le moteur se coupe. En effet, sans moteur, un avion plane via l'air s'écoulant sur ses ailes, mais un hélicoptère dont le rotor ne tourne plus tombe comme un caillou. Le rotor est donc libre de sa rotation, l'air qui passe autour des pales mets le rotor en rotation (comme une éolienne) et l'énergie stockée par le rotor durant cette rotation est ensuite utilisée pour freiner sa descente en variant le pas avec le collectif. Cette manoeuvre se nomme "Autorotation".

Ces turbines à gaz ont un régime moteur très élevé, et la boite de vitesse sert à démultiplier les tours par minutes transmis au rotor. Pour vous donner un ordre d’idée, le moteur de la SA342 (Airbus Helicopters) Gazelle tourne à 43500 tours par minutes, alors que son rotor principal tripale tourne à 387 tours minutes !

Cette mécanique est aussi bruyante, que ce soit la boîte de vitesse en elle même ou les courroies de transmission, ajoutant du bruit au groupe motopropulseur.

La part du fuselage et des ailes

Ce que l’on appelle « bruit aérodynamique » dans le domaine de l’aviation est le bruit causé par le vent relatif passant autour de l’appareil. En effet, l’air va accélérer sur l’aile, turbuler autour des aspérités du fuselage, et enfin se rejoindre en créant des vortex après le passage de l’aéronef. Ces bruits paraissent anecdotiques, cependant ils ne sont pas à négliger ! Si on regarde ce graphique de l’OACI (Organisation de l'aviation civile internationale) on remarque que sur des avions de lignes le bruit aérodynamique qu’il soit au décollage ou à l’atterrissage n’est pas négligeable (colonne "Airframe").

Par exemple, quand un planeur nous survole, on entend un sifflement doux et agréable. Là où ce bruit aérodynamique paraît majestueux, celui d’un avion de chasse arrivant à haute vitesse ou un airbus avec volets déployés et aérofreins sortis devient vite très bruyant.

Attention : la partie « Fan » du graphique ne parle que de la soufflante à l’avant du turboréacteur/turbosoufflante, et non pas d’une hélice propulsive en elle même.

La part des pales dans le bruit de l'aéronef

Les pales d'un rotor provoquent un bruit caractéristique que l'on peut décortiquer en plusieurs types de bruits différents. On parle donc de bruit d'épaisseur (Thickness noise), bruit de charge (Loading noise), de bruits à large bande (Broadband noises), du bruit d'interaction entre les vortex et les pales, du bruit d'impulsions à hautes vitesses (High Speed Impulse noise) et du bruit du rotor de queue (Tail rotor noise).

Toutes ces sources paraissent complexes, cependant une fois séparées, ces sources sont très simples à comprendre ! On va maintenant basculer dans l’univers des hélicoptères, car tous les sons d’un rotor principal peuvent être ramenés à ceux d’une hélice d’avion.

Le bruit d’épaisseur :

Cette source de bruit est causée par le mouvement d’une pale (et donc de sa forme), et peut-être représenté comme le déplacement de l’air par les pales du rotor. Il est majoritairement dirigé dans le plan du rotor, ce qui signifie que l’on entend mieux ce type de bruit lorsque l’on croise une prolongation virtuellement infinie du plan du rotor, donc quand l’hélicoptère se dirige vers nous ou nous passe à côté. On entends très bien le son des pales lors du démarrage de ce Robinson R22, créant un bruit de sifflement comme du vent.

Le bruit de charge :

Le bruit de charge est un effet aérodynamique dû à l’accélération et à la distribution des forces dans l’air autour des pales du rotor, et se manifeste majoritairement sous le rotor. Lorsque l’on demande plus de force au rotor (vitesse des pales plus faible, angle d’attaque élevé pour soulever une charge lourde…) le bruit de charge tends à augmenter.

Les bruits à large bande :

Les bruits à large bande sont en fait des sources relativement aléatoires générées par le rotor, tel que l’ingestion de turbulences à travers le rotor, ou l’aspiration de son propre sillage.

Interactions vortex/pales :

Une des principale source de bruit mais aussi une des plus complexes. Lorsqu’une pale passe dans le vortex que la pale précédente laisse derrière elle, elle crée une variation de sa charge, générant un à-coup dans l’air et une impulsion sonore. La direction de ce son dépend de l’interaction avec les pales, cependant on peut caractériser deux situations. Sur le côté « avançant » du rotor (les pales qui vont de l’arrière vers l’avant), le bruit d’interaction est dirigé vers le bas et et vers l’avant de l’hélicoptère (peu importe son déplacement), alors que le côté « reculant » du rotor générera un son se déplaçant vers le bas et vers l’arrière.

Les paramètres principaux de ce bruit sont la distance entre la pale et le vortex (réduit en augmentant le nombre de pales), la force du vortex (dépendant de l’angle d’attaque de la pale précédente) et la trajectoire du vortex par rapport à la pale (dépendant de la trajectoire de l’hélicoptère).

Impulsions à haute vitesse :

Comme vous le savez, pour générer de la portance, l’air qui arrive vers l’aile va accélérer lorsqu’il passe sur l’extrados ( le « dessus ») et générer une dépression. Au contraire, sur l’intrados ( le « dessous »), la majorité des profils d’ailes font générer une surpression. L’aile est donc aspirée vers le haut et poussée par en dessous.

Cependant cet air qui accélère peut poser problème ! En effet, prenons un exemple sur une extrémité de pale qui avance à 800 kilomètres par heure, montée sur un hélicoptère qui, lui, se déplace à 400 kilomètres par heure. La pale reculante avancera à une vitesse de 800 - 400 = 400 km/h alors que la pale avançante atteindra 800 + 400 = 1200 km/h. Or dans une atmosphère standard, la vitesse de 1234,8km/h correspond à Mach 1 : la vitesse du son ! Considérant que la vitesse de rotation des pales est une constante de 800 km/h (en moyenne), on à défini un mur du son « représentatif » pour les hélicoptères: 400km/h. En effet, lorsqu’une pale approche du régime transsonique, l’air qui accélère dessus risque de dépasser le mur du son, créant alors une onde de choc supersonique et de la trainée. Pour en savoir plus sur les flux transsoniques, je vous invite à lire mon thread Twitter dédié ICI

Si un hélicoptère arrive à cette vitesse, le passage des pales en régime transsonique/supersonique provoque des petits bangs supersoniques ! Ces « Impulsions à Haute Vitesse » sont en fait des bangs supersoniques causés par la vitesse de l’hélicoptère. Dans les cas où on entends ces impulsions, c’est que le bout de pale passe en régime transsonique, mais aussi que le rotor perds en efficacité : les extrémités de pales génèrent une forte trainée et des vortex et ondes de chocs qui engendrent des vibrations et de la perte de portance.

Les rares hélicoptères qui sautent à l’assaut de ce « mur du son pour hélicoptères » ont donc des hélices propulsives et des petites ailes, afin de supporter cette phase de vol, comme l’Eurocopter/Airbus Helicopters X3 ! (C) Airbus Helicopters

Le rotor de queue :

Le cas du rotor de queue est particulier, car la puissance de son son dépends de la distance de l’auditeur par rapport à l’hélicoptère. En effet, vu le faible diamètre et la haute vitesse de rotation des pales, ce rotor génère un son bien plus aigu que celui du rotor principal, un son qui se place directement dans la gamme de fréquences auquel l’humain est sensible. Si l’on se tient proche d’un hélicoptère, le rotor de queue émet un son d’une intensité non négligeable, cependant à plus longue distance, les fréquences aigues de ce dernier se font atténuer par l’atmosphère.

Ce rotor génère aussi toutes les sources de son vues plus tôt, car il se comporte comme le rotor principal !

Les modificateurs possibles

De nombreux filtres naturels et artificiels viennent modifier le bruit que font les hélicoptères ou les avions.

D’abord, comme on vient de le voir, l’atmosphère est un très bon filtre. Bien que l’air fasse se propager le son, il s’atténue avec la distance, et filtre les fréquences plus aigues du rotor de queue. Une modification très audible du son de l’hélicoptère (et bien connue) est l’effet Doppler. Le son du rotor paraît plus aigu et rapide avant le passage devant l’observateur, puis plus grave et lent après le passage.

Maintenant que vous connaissez les sources de bruits et les filtres de l’atmosphère, avant de parler de la réduction du bruit en elle même, revenons à la vidéo du début d’article et essayez de repérer les diverses sources : impulsions supersoniques, effet doppler, différence entre le son « dans le plan » (bruit d’épaisseur) et « hors du plan » du rotor principal…

Vous les avez tous trouvés ? Au début (de 00:00 à 00:10) les claquements secs sont les HSI, des petits bangs supersoniques. Ensuite, de 00:11 à 00:18 on commence à discerner des bruits d’interactions entre les pales et les vortex, des bruits à larges bandes, et des bruits d’épaisseur. Vers 00:20, quand l’hélicoptère passe, on n’entend alors plus les ondes de chocs, mais juste le bruit de charge. Après le passage, on ne discerne plus que les bruits d’interactions et d’épaisseur, couplés à un effet Doppler.

Maintenant intéressons-nous à la réduction du bruit des hélicoptères : comment créer un hélicoptère plus silencieux sans en dégrader les performances ?

Une solution simple en théorie est d’augmenter le nombre de pales ! En effet : plus de pales permet une vitesse de rotation plus lente pour une même portance, réduisant le bruit de charge mais aussi le bruit d’épaisseur car la pale tourne moins vite. Aussi, les pales étant plus proches les unes des autres et nécessitant un angle d’attaque moins fort, deux paramètres principaux du bruit d’interactions vortex/pales sont plus faibles. En réduisant la vitesse de rotation, on élimine le risque de rencontre du Mach critique sur les pales et donc le bruit d’impulsions à haute vitesses.

De plus, un hélicoptère bipale, bien que moins cher et plus simple, est soumis à des risques de "mast bumping", ou cognement de mât. Deux pales rendent aussi l'hélicoptère moins réactif.

(C) US ARMY

La différence peut-être flagrante : entre un Huey bipale et une Gazelle tri-pale, le rotor de la Gazelle est bien moins bruyant !

Bien qu'il reste bruyant, la différence est déjà notable ! Si l’on analyse le spectrogramme d’un Huey (ci dessous, en haut) et d’une Gazelle (ci dessous, en bas), on remarque que le Huey émet des sons plus graves mais aussi plus forts en général ! De plus on remarque les impulsions du Huey bipale, alors que la Gazelle émet un son plus fluide et linéaire.

Cependant, là où cette solution paraît simple, la mécanique (très complexe) d’un plateau cyclique sur lequel on monte beaucoup de pales amène une augmentation de la complexité de conception et production, et donc un prix plus haut. On comprend mieux pourquoi les hélicoptères civils ne sont pas encore concernés !

Les militaires, eux, recherchent à réduire le bruit de leurs voilures tournantes. C’est pourquoi on peut voir des prototypes ou des modèles en services sur lesquels on intègre les dernières technologies, comme sur le Boeing-Sikorsky RAH-66 Comanche.

(C) US ARMY

Sur cet appareil, la réduction de bruit et les performances étaient des points clé du cahier des charges : fuselage lissé par les trains rentrants pour réduire la trainée, pales très travaillées, rotor de queue incrusté dans un fenestron… Analysons un peu mieux leur effets !

Commençons par les pales : elles sont au nombre de cinq, car, comme on l’a vu, augmenter leur nombre aide à rendre l’hélicoptère silencieux. Cependant, leurs extrémités et les petites dents courant sur le long peuvent surprendre ! L’extrémité des pales en flèche s’inspire des ailes d’avions supersoniques. En effet, en anglant le bout des pales, l’extrémité de la pale se comportera comme une aile en flèche, retardant les ondes de chocs mais aussi maintenant la portance. Aussi, le profil de la pale (sa vue en coupe) s’inspire des ailes supercritiques, des ailes dédiées à la réduction des ondes de chocs, utilisées par exemple sur les A320 !

Les petites « dents » visibles sur le long des pales aident à l’aérodynamique globale du rotor. Avec toutes ces modifications, le rotor est bien plus silencieux tout en restant performant, cependant le concevoir et le produire engendrent une très forte hausse de son coût.

Un grand travail est aussi réalisé sur les tuyères des turboshafts montés sur nos hélicoptères modernes. En réduisant le son des gaz turbulents en sortie de moteur, on réduit l’intensité sonore globale.

Un dernier moyen de réduire le bruit est d’intégrer le rotor de queue dans un fenestron.

(C) Cristoph Hansa

Prenons exemple sur celui de l’EC135 ci dessus. Un fenestron permet d’augmenter le nombre de pales du rotor de queue (augmenter le nombres de pales, encore et toujours !) mais aussi de protéger ce rotor des débris, de protéger les personnes au sol du rotor de queue, et bien d’autres avantages.

Avez vous remarqué la disposition étranges des pales sur le fenestron ci dessus ? Avec cet espacement non linéaire entre les pales, on obtient des harmoniques différentes et des interactions pales/vortex différentes, amenant à une nouvelle réduction du bruit.

(C) Eurocopter

En revanche, la mécanique complexe et le poids du dispositif amène à une hausse des coûts, du poids de la structure, et donc du bruit de charge du rotor principal ! En réduisant le son du rotor de queue, on risque d’augmenter une des composantes de bruit du rotor principal.

Une autre solution originale et relativement silencieuse est de supprimer le rotor de queue si bruyant ! Cependant, il faut trouver un moyen d'empêcher l'hélicoptère de tourner sur lui même hors de contrôle ! Là où les Chinook ou Ka-50 utilisent deux rotors principaux contra-rotatifs, il existe une autre solution, bien plus originale.

(C) US ARMY

Le choix fait par Hughes Helicopters en améliorant son MD500 est de supprimer le rotor de queue et de le remplacer par un jet d'air froid et des stabilisateurs verticaux. De l'air est aspiré depuis le haut de l'hélicoptère par une soufflante, puis rejeté en bout de queue, à gauche. Quand le pilote demande plus ou moins de couple en lacet, l'aération à la queue s'ouvre plus ou moins.

Connu pour sa vitesse et stabilité (moins de trainée grâce à sa queue lisse et ses stabilisateurs verticaux), le MD520 NOTAR (NO TAil Rotor) est aussi très sûr, car retirer le rotor de queue retire les risques de blessures accidentelles.

Certains propriétaires de MD520 NOTAR ont déclaré ne pas comprendre "pourquoi un système aussi agréable n'est pas plus accepté et développé. De plus, en été, on allume la soufflante et on se place à la queue, on profite d'un jet d'air frais bien agréable !".

Conclusion : va t’on réduire le volume ?

On a vu qu’un hélicoptère est bruyant par principe : vouloir se sustenter sous une voilure tournante oblige à créer un bruit assez fort, avec des sources et fréquences variées. Bien qu’il existe des moyens pour réduire l’intensité sonore des hélicoptères, le prix, la complexité et le poids sont des facteurs négatifs à leur implémentation. De nombreux hélicoptères plus silencieux que les autres entrent cependant en service, principalement dans l’armée (où la discrétion est synonyme de survie) ou pour la sécurité civile et le SAMU (car le survol d’habitations autour d’hôpitaux 24 heures sur 24 n’est pas agréable pour tout le monde!). Au fur et à mesure de la recherche et de la réduction de poids des composants, on peut espérer l’apparition d’hélicoptères silencieux et grand public dans les années à venir.

La réduction du bruit autour d’aérodromes publics pour pilotes privés étant un point clé de tensions entre riverains et aéroclubs, la mise en service de moteurs, d’hélices, et d’aéronefs plus silencieux aidera aussi à calmer ces tensions.

Le H160 (civil) et H160M Guépard (militaire), nouveaux nés de chez Airbus Helicopters, mélangent le couple fenestron / pales de nouvelle technologie pour atteindre un bruit 50% plus faible que des hélicoptères de même gamme, le tout couplé à un fuselage et un empennage améliorant les performances aérodynamiques. Ainsi, le Guépard qui devrait équiper les trois armées françaises (Terre/Air/Mer) pourrait emporter une charge militaire tout en consommant 20% de carburant de moins que ses concurrents et en réduisant de moitié l’intensité sonore de la flotte d’hélicoptères.

(C) Airbus Helicopters

Avez vous remarqué ses pales très particulières à l’extrémité ? Elles s’inspirent de l’angle de flèche des ailes d’avions supersoniques ! Ecoutez la différence entre une pale classique et une pale "Blue Edge", entendue depuis la cabine, puis au sol.

(C) Airbus Helicopters

Merci de votre lecture, Niels.